Dîner du 6 février 2008.
Y’a de ces dîners pas comme les autres. Ceux qui se décident des mois à l’avance, puis se planifient et enfin se concrétisent. Ceux-là génèrent plus l’échéance approche un sentiment d’excitation et d’impatience qu’il n’est pas désagréable de ressentir. Et quand ce dîner sera partagé avec un, que dis-je deux chefs étoilés, c’est l’assurance de vivre un moment inoubliable : nous voici en route pour le Crillon, dans l’antre du désormais célèbre JF Piège, à la table des Ambassadeurs.
Nous serons 6 : Carine et San (amis belges de l’Air du Temps – je ne les présente plus …:o), Aurore et Mario du restaurant Le Cor de Chasse à Barvaux (toujours en Belgique) qui eut le bonheur d’accueillir sa première étoile en novembre dernier. Ce quatuor est complété par mon épouse et votre humble serviteur, régionaux de l’étape.
Il s’agit pour ma part de ma seconde visite aux Ambassadeurs; un déjeuner même époque l’an passé m’avait absolument conquis (75 euros, 4 services, haut niveau) et il me tardait de découvrir cette table en configuration du soir.
Le cadre est impressionnant – incroyable hauteur de salle, marbres et dorures à perte de vue, du sol au plafond, tellement impressionnant qu’il en dégage une certaine froideur, comme celle que j’avais d’ailleurs ressentie au Meurice voici 2 ans. Les lustres brillent de mille feux, les tables sont très espacées, le service dans les starting-blocks, que le spectacle commence !
Confortablement installés, notre choix se porte sur le menu Dégustation tarifé à 210€ (on ne joue plus dans la même catégorie), qui vous permet de choisir 3 plats et un dessert dans la carte. Liberté absolue vous est octroyée : 2 entrées & poisson, entrée & poisson & viande, … l’avantage est évidemment de pouvoir se faire plaisir et sélectionner les plats qui vous font envie (même les plus onéreux) à la carte et les inclure dans votre menu (ex. ces langoustines / croustillantes / sushi / bouillon / caviar osciètre normalement proposé à 140€ à la carte).
Donc entre truffes, homard, caviar, turbot, on se dit qu’on en a pour son argent. D’autant que ce concept favorise des compositions de menu différentes pour chacun et donc permet de picorer aisément dans l’assiette du voisin (… ou de ses voisins pour les plus gourmands).
Les plats, s’ils sont annoncés être servis « en demi portion » dans ce menu, restent relativement copieux, souvent déclinés en plusieurs assiettes. Enfin, pour compléter ce menu, il faudra également compter avec quelques mises en bouche, le plateau de fromage, quelques pré-desserts et moult mignardises.
Voici quelques photos de plats sélectionnés par notre table, illustrant notre dîner :
Mises en bouche, sur le concept d’un plateau télé

Langoustines / croustillantes / sushi / bouillon / caviar golden d’Iran

Blanc à manger d’oeuf / truffe noire

Noix de Saint-Jacques comme une tarte flambée cuite / marinée
« Casse-croûte » de homard bleu / florentine

Pigeonneau désossé / foie gras / jus à l’olive

Ris de veau de lait blanc / brun façon flammiche

Ananas / citron vert en punch à croquer et à boire

Comme un vacherin, rose/litchi/fraises des bois

Compression de coing/pomme, la peau en sorbet

Variation des grands desserts à la Française : riz au lait, oeuf à la neige, crème caramel au beurre demi-sel, profiterole chocolat/vanille

Original : le chariot d’herbes et plantes pour infusions…

Comme le témoigne la plupart de ces assiettes, on est sur une cuisine de haute-couture.
Le visuel des plats est très graphique (cylindre, rectangle,…), présentation épurée. C’est pointu, précis, techniquement recherché, bien maîtrisé : produits de qualité remarquable (excepté une truffe plus odorante que goûteuse), des cuissons parfaites, des plats savoureux souvent accompagnés de sauces très réussies.
Et le tout s’avérera finalement bien copieux au terme du repas. Plus de place pour caser un carré de chocolat.
Personnellement, mon choix s’était porté en première entrée sur le blanc manger : simple à faire (la recette est en ligne sur le site du Crillon) mais très goûteux et original – l’apport de truffes fraîches n’est pas essentiel même si elles jouent le premier rôle côté visuel, une bonne sauce fera l’affaire. Le plus complexe restant finalement la cuisson du jaune qui doit sortir coulant lorsqu’on fend le blanc. Visuellement ca en jette. En bouche c’est vraiment bon.

Pour suivre, le casse-croûte de homard. Mon plat préféré du menu. Un homard parfaitement cuit et d’excellente qualité, épinards, crème légère, truffes, le croquant de la mie de pain constituant le cylindre… c’est fort. Et ca en devient (presque) jouissif lorsque s’ajoute une sauce (qui n’apparait pas sur la photo) à base de bisque…
Enfin, le pigeonneau. Honnêtement, je ne m’attendais pas un plat si copieux. Là aussi, une magnifique sauce vient agrémenter le plat. L’ensemble fonctionne bien au début (le pigeon parfaitement cuit, le foie gras et l’olive). A terme, et ce probablement dû au volume, il s’essoufle et perd en finesse.
Pour le dessert, je me rabats sur la compression pomme/coing, qui m’offrit exactement ce que je cherchais en fraîcheur, textures et goûts.
Mais il est temps de parler des vins… (sourires…)… car on s’est fait plaisir.
Et cela grâce à San qui nous a encore une fois déniché des bouteilles vraiment intéressantes :
Pour l’apéritif, un champagne Roses de Jeanne, Les Ursules, 100% pinot noir, de chez Cédric Bouchard. Absolument fantastique, vineux à souhait, on aurait pu faire le repas avec mais c’aurait été se priver de la bouteille qui suit… :o)
Premier vin blanc : on nous le fait déguster à l’aveugle : je me lance en Loire, je ne serai pas très loin même si le cépage me paraissait incongru : un fief vendéen Domaine Saint-Nicolas, chez Thierry Michon, 1999, 100% chardonnay. Extraordinaire. Le vin se révèle légèrement oxydatif mais se mariera à merveille avec mon blanc manger/truffes.
Pour suivre un Riesling Trimbach, Frédéric Emile, qui s’associa parfaitement avec mon homard, puis un espagnol dont j’oublierai le nom malheureusement. Carine prit la relève pour le fromage et un rouge portugais fit son apparition (Quinta de Fojo). Pour les desserts, 2 demi verres furent servis parmi la sélection d’une petite dizaine de vins de desserts proposés au verre (très agréable initiative).
Excellent repas donc, évidemment cher (trop ?), qui met en avant, et on ne peut le nier, une cuisine lisible, franche et technique. Le service est au diapason, distant (trop ?), professionnel et efficace à souhait, tiré à quatre épingles. Il manque selon moi ce petit grain de folie, une petite dose d’improvisation, de laisser-aller qui transcenderait un repas. Car il faut reconnaitre que l’accumulation d’une cuisine millimétrée, d’un cadre majestueux mais froid et d’un service réglé comme une horloge suisse peut conduire à l’ennui. Ce ne fut heureusement pas le cas pour nous qui avons vécus un très beau moment gastronomique, dans une ambiance conviviale, entre passionnés.
Le repas s’acheva ainsi dans la joie et une allégresse toute en retenue (on est quand même dans un palace :o). Merci encore à Carine et San, Aurore et Mario pour cette très belle soirée.
Il semble que la prochaine soit planifiée pour septembre… quand je vous parlais de ces repas planifiés à l’avance…
GoTiquement vôtre,
Laurent V
23 Fév 2008
Catégories : France, Restaurants . . Auteur : Laurent V . Comments: 7 commentaires