Déjeuner du lundi 11 août 2008
Cela fait maintenant quelques mois que je suis avec attention la carte du Cor de Chasse, sans pour autant avoir eu l’occasion d’y manger. Il est vrai que niché en plein coeur des ardennes belges (1h45 de Bruxelles), s’y rendre demande un minimum de préparation, surtout quand on habite Paris :o).
Après la récompense d’une première étoile l’an dernier et de sincères éloges formulées par San de L’Air du Temps, l’envie de visiter cette adresse allait en grandissant et en février dernier, lors d’un dîner aux Ambassadeurs du Crillon organisé avec San et nos épouses, j’eu l’occasion de rencontrer pour la première fois Mario Elias, le chef, et Aurore son épouse. Le courant passa immédiatement et la soirée fut des plus agréables. Il était maintenant impératif que nous visitions le Cor de Chasse dans les prochains mois. Et ce fut chose faite en ce lundi 11 août.
Le Cor de Chasse, dont Mario est membre des JRE – Jeunes Restaurateurs d’Europe, est situé sur les hauteurs de Barvaux sur Ourthe, commune ardennaise située à proximité de la plus connue ville de Durbuy. A peine l’entrée franchie, nous sommes accueillis avec gentillesse et sourires par Aurore et l’équipe qui l’accompagne.
Nous prenons l’apéritif au salon et entamons notre repas avec un champagne Louis Roederer, brut non millésimé. Côté menu, nous partons sur le menu Prestige en 7 services (59€), auquel nous rajouterons le plateau de fromages tandis qu’Aurore nous informe que Mario souhaite nous faire goûter un plat de viande supplémentaire. Inutile de vous dire que nous acceptons avec plaisir cette généreuse proposition…
Le menu étant choisi, nous optons côté vins sur la sélection qui est suggérée pour l’accord mets/vins (29€) et sommes dès lors prêts à entamer les festivités.
Quelques mises en bouche de consistances différentes
Les premières mises en bouche offrent des textures légères et onctueuses, petits gris pour la première, crevettes grises pour la seconde. Frais et goûtu.
On s’installe ensuite à table et on poursuit avec cette 3ème mise en bouche servie dans un contenant plus qu’original et volontairement ludique : voilà la sardine à l’huile revisitée : une sardine de toute première fraîcheur accompagnée de bulles d’olive. Très bon.
On finit les mises en bouche avec ce 4ème service : moules bouchot, betterave, moutarde. On joue à nouveau sur les textures tout en proposant des saveurs assez tranchées. Si ces associations sont devenues courantes dans certaines grandes tables (Fat Duck par ex), cela reste suffisamment original pour interpeller le palais de chacun. Pour ma part, une totale réussite, je pense d’ailleurs en avoir mangé 3 ou 4 … :o)
Thon et foie gras aux asperges marinées à l’huile de noisette, pomme granny smith et crème de foie gras
Chartreuse de Mougères, Vin du Pays d’Oc, 2007
Première entrée et on continue de découvrir le monde de Mario. Le thon cru est associé ici avec du foie gras en différentes textures pour offrir un ensemble bien équilibré, toujours sur la fraîcheur malgré le foie gras subtilement présent et n’alourdissant en rien le plat. La pomme et les asperges marinées contribuent à cet équilibre, que ce soit dans les textures (croquantes) ou dans l’acidité (pommes). Une vraie réussite.
Barbue aux artichauts barigoule, émulsion au fenouil, sauce vierge et gel de kalamanci
Réméage, les Vins de Vienne, vin de table
Voilà un plat qui restera longtemps dans ma mémoire. Quelques minutes avant son service, Aurore nous apporte à table une théière japonaise ainsi qu’une petite coupelle contenant un tartare de langoustine (cru donc). Elle nous explique qu’elle va faire infuser le tartare de langoustine dans le jus de crustacés présent dans la théière, jus chaud qui va donc légèrement cuire le tartare. Cette opération va prendre quelques minutes jusqu’à l’arrivée de la seconde entrée.
Lorsque cette entrée nous est servie, Aurore passe ensuite chez chacun de nous pour déposer une quenelle de tartare et verser un peu de ce jus dans l’assiette. Sur le tartare sont déposés enfin quelques grains de caviar, touche finale d’un plat tel que photographié ci-dessus.
Un plat absolument fabuleux, les produits sont d’excellente qualité, la cuisson de la barbue parfaite, mais c’est ce jus versé en dernière minute et ce tartare qui donnent un éclat supplémentaire à ce plat. Sans oublier le gel de kalamanci, qui se rapproche du citron si on devait le déguster à l’aveugle. Un gel onctueux, compact et dense en goût, qui apporte toute l’acidité nécessaire à ce très beau plat. Un très grand moment, plaisir unanime à table.
Homard breton aux fèves des marais et petits pois, Carbonara 2008, mousseline de pommes de terre et champignons
Majus Bianco, Maison Ajello, Sicile, 2007
On continue avec un autre très grand moment avec ce homard. Un plat à nouveau magnifiquement présenté et réalisé. Les saveurs sont toujours aussi franches et directes, les cuissons justes et les associations réussies. Petite touche d’originalité avec ces pâtes carbonara qui sont d’une légèreté rassurante à ce stade du repas (car il est loin d’être fini).
Arrive alors un nouveau service, le second, de ce homard, chose que n’avions pas prévue. Et ce service démontre à nouveau tout le talent de recherche visuelle mais aussi gustative de Mario dans sa cuisine.
Sur un cube en pierre, duquel surgit une lumière verticale générée par des petits spots miniatures, est posé un verre dans lequel est présenté une nouvelle préparation de homard, avec les petits pois en trait d’union par rapport au premier service, accompagné cette fois d’anguille, de betterave et de truffes, le tout ayant été fumé au bois de cèdre.
Là, dès la première bouchée, je ne trouve pas mes mots tant c’est surprenant et bon. Plus que bon en fait, simplement délicieux. Le fumé est bien présent mais ne masque pas le goût du homard. Le jus de betterave n’est pas là que pour la couleur, sa puissance est savamment dosée, délicatement fumée et s’harmonise parfaitement avec les petits pois et dés d’anguille. Nouvelle unanimité à table…
Tendron de veau et foie gras, jeunes carottes à la violette, jus de champignons de nos prairies et air d’herbes
Margallo Penedes, Jane Ventura, 2003
Voilà le plat que voulait nous faire goûter Mario. Un visuel toujours aussi recherché, des textures qui se fondent dans un ensemble cohérent. Les cuissons sont à nouveau parfaites, une très belle réalisation même si les saveurs manquaient un peu de relief selon moi, ce petit quelque chose qui transforme un très bon plat en plat exceptionnel.
Pigeon rôti, crémeux à l’aubergine et orange, crumble à l’ail et parmesan, gel de ratatouille
Margallo Penedes, Jane Ventura, 2003
Je vous parlais de plat exceptionnel, en voilà un qui n’en est pas loin.
Notamment grâce à ce crémeux d’aubergine et oranges, excellent en goût et se mariant très bien avec le pigeon. Le crumble ail/parmesan fait son petit effet également. On se régale et je n’aurai aucune opportunité pour terminer les assiettes de mes voisins.
Plateau de fromages
Pas de photo malheureusement, faute impardonnable causée par la douce euphorie d’un beau repas probablement.
Une dizaine de fromages sont proposés sur chariot, chacun se fait plaisir en sélectionnant ses petits favoris.
Fruits et légumes rouges à l’orgeat, frigolite d’ananas et curry, sorbet poivrons-framboises
Champagne Boucheron, brut non millésimé
Un premier dessert, annoncé comme « prélude au dessert » et qui ravit les amateurs de fruits rouges. C’est effectivement excellent et je suis fasciné par la saveur de cette frigolithe ananas-curry. Voilà deux saveurs improbables qui fonctionnent bien ensemble. Le sorbet poivron/framboise vaut lui aussi le détour. Un dessert sur la fraicheur qui régale nos papilles déjà bien sollicitées à ce moment du repas.
Etant là pour fêter un anniversaire en famille, la maison nous offre le champagne, généreuse attention, une de plus !
Sablé breton, caramel, chocolat, amandes
Champagne Boucheron, brut non millésimé
On finit ce menu avec ce dessert sur des saveurs plus sucrées et un nouveau jeu de textures. Inutile de vous dire que c’était à nouveau excellent, très bien réalisé, bien présenté et surtout bien équilibré.
Les mignardises
Nous finissons notre repas en terrasse, il est déjà 18h… mais nous resterons encore quelques minutes le temps de prendre thés et cafés et déguster ces dernières mignardises.
19h : nous quittons Le Cor de Chasse non sans avoir échangé quelques mots avec Aurore et Mario, une rencontre tout en gentillesse, simplicité et humilité, les félicitant pour cet excellent repas et les remerciant pour toutes leurs petites attentions.
Je suis personnellement d’autant plus ravi que cela faisait quelques temps que je voulais venir chez eux et que ce repas m’a simplement comblé, répondant aux attentes que j’avais en venant les visiter.
A l’exception du tendron / foie gras que j’ai trouvé en retrait, les autres mets étaient d’excellent niveau justifiant facilement ce premier macaron, avec en point d’orgue la barbue, le homard et le pigeon qui resteront longtemps dans nos mémoires.
La cuisine du Cor du Chasse est une cuisine très personnelle, créative, totalement assumée, tantôt provocante, tantôt ludique, mais toujours avec une volonté de faire plaisir en associant originalité et qualité de produits, précision des cuissons et équilibre des saveurs.
Pour transmettre ce plaisir, le service en salle se met au diapason de cette cuisine : détendu mais professionnel et attentif, la dimension humaine n’est pas occultée, on souhaite que le client se sente comme chez lui et l’objectif est atteint.
Côté vins, le rapport qualité/prix du forfait était plus que correct. On ne pouvait s’attendre à de grands flacons mais les vins proposés avaient chacun leur intérêt et leur place sur ce menu.
Sur la route nous ramenant sur Bruxelles, je réalise que ce plat pays qui est le mien dispose vraiment de quelques pépites gastronomiques méritant le détour. Avec le Cor de Chasse, je suis heureux d’en connaître une de plus, nul doute que je me ferai un plaisir d’y retourner – d’autant que le restaurant dispose de quelques chambres joliment décorées sur place…
Merci encore à Mario et Aurore pour leur accueil et ce beau moment de plaisir à table.
Laurent V