Dîner du vendredi 20 mars 2009
GoT était à nouveau en vadrouille vendredi dernier. Direction la Belgique et la petite ville de Reet où se trouve le restaurant Pastorale, l’un des 10 double étoilés belge.
Pourquoi cette adresse ? Deux éléments de réponses :
– parce que chaudement recommandée par Kobe d’In de Wulf et San de l’Air du Temps qui en parlent comme l’une des meilleures tables du pays,
– parce que j’avais assisté à la présentation de Bart de Pooter, chef de Pastorale, aux Flemish Primitives en janvier dernier, présentation ultra bien réalisée et donnant plus qu’envie de visiter cette adresse encore inconnue pour nous tous.
Réservation fut donc faite en janvier dernier et c’est avec l’impatience, la forme et la faim des grands jours que nous avons pris la direction du nord ce vendredi après-midi.
2 véhicules, 6 convives, tous les habitués sont présents, à l’exception de Guillaume (première absence en 3 ans !, tout arrive…), Sabine le remplacant en guest star du jour.
Nous arrivons dans les horaires prévus à l’hôtel Domus à Boom, localité située à 4km du resto, très bel établissement, superbes chambres, hautement recommandable en cas de logement sur place.
Quelques minutes plus tard, nous nous garons devant Pastorale, magnifique demeure, bel éclairage, et sommes accueillis par l’épouse de Bart.
L’accueil est extrêmement agréable, on nous conduit à notre table, dressée au centre de la salle à manger immaculée de blanc où seules quelques fleurs rouges et cadres contemporains apportent un contraste de couleur absolument superbe.
Pendant que chacun prend place à table, je vais saluer Bart en cuisine. Contrairement aux autres repas GoT, je n’avais pas contacté le chef au préalable pour fixer menus et vins. Mais le hasard fait bien les choses (était-ce vraiment le hasard ?), Bart m’informe qu’il a prévu un menu 10 services estimant, après avoir consulté notre blog, que cela conviendrait mieux à notre soirée, … je n’ai pu que lui donner raison, le remerciant pour son initiative, il ne pouvait pas mieux faire.
Place enfin à l’apéro, notre déplacement méritait un belle bouteille et on part, après consultation générale et accord unanime, sur un Selosse Substance, bouteille qui sera une « première » pour la plupart d’entre nous.
Aussitôt, les premières mises en bouche arrivent et offrent une entame croustillante : légumes crus, radis dans une présentation qui rappelle Noma, croustillants à la crème de carotte et cumin. Goûtus et légers, très bien pour commencer.
Le Selosse Substance est un pur bonheur. Dégorgée en 2007, cette bouteille offre tout ce que j’aime sur un champagne de vigneron, le seul problème étant qu’une fois qu’on a goûté à ce genre de flacons, il est difficile de s’en passer par après.
Bart vient alors saluer notre table afin de présenter son menu et bonne nouvelle, aucun souci, fumée blanche : le menu convient à tous, nous sommes prêts pour les festivités.
Côtés vins, on part sur un choix à la carte, ce qui nous permettra de déguster quelques belles bouteilles, on est là pour se faire plaisir (et nous ne faillirons pas à notre leitmotiv préféré).
Entre deux dégustations, on prend un peu de temps pour observer ce cadre assurément contemporain qui nous ravit à l’unanimité. Une superbe salle de restaurant où on sent que chaque détail a été réfléchi, et cela me rappelle l’exposé de Bart au Flemish Primitives, expliquant qu’une expérience au Pastorale doit interpeller tous les sens. Priorité à l’assiette bien évidemment mais recherche d’adéquation et de cohérence dans tout ce qui entoure un repas : le cadre, le décor, la musique, le dressage de la table, le service. Une chose est certaine, on s’y sent merveilleusement bien.
En seconde mise en bouche, une association betterave /moutarde nous est proposée, betterave en différentes textures, la moutarde sous forme de glace. Mariage devenu maintenant un classique du genre mais réalisé ici à un niveau de précision encore jamais égalé, l’équilibre des 2 saveurs est parfait.
Foie gras d’oie, lobe, pomme et cidre, jeune poireau
Riesling Schieferterrassen, 1999, Heyman-Loewenstein
Première entrée tout en douceur et finesse. Le foie d’oie est fantastique de douceur et texture. Littéralement fondant en bouche, l’association avec le cidre, la pomme et le jeune poireau est dès plus réussie : sucrée salée avec le cidre et la pomme et plus surprenante sur le poireau, le tout avec le dégré d’acidité qui va bien.
On ne change pas une équipe qui gagne, le Riesling de chez Heymann fait plaisir et se positionne bien en accord.
Veau, printanière, tartare au raifort, carpaccio à la sarriette
Meursault, 2004, Les Tessons, Clos de mon Plaisir, Domaine Roulot
Lorsque les couverts pour la seconde entrée sont disposés, on constate que chacun a reçu une paire de ciseaux devant lui… on ne voit pas encore trop à quoi cela peut servir… surprise.
Ce sera pour moi le plat le plus surprenant du dîner mais aussi celui qui m’a apporté l’une des bouchées les plus incroyables depuis longtemps. A gauche, du cresson, frais, à découper… avec ses ciseaux. Ensuite le veau en tartare, puis le carpaccio et à droite le granité pomme/concombre. Si le tartare est bon, la bouchée de carpaccio/granité/cresson est exceptionnelle de goûts, explosive en bouche. Plus tard, Bart révèlera que le veau en carpaccio relève d’un travail assez minutieux et complexe de traitement de la poitrine de veau à la pince à épiler pour récupérer les morceaux les plus nobles…. incroyable.
Avant de passer au plat suivant, Bart revient en salle et nous présente les 2 pièces de Wagyu qui seront servies : l’un est d’élevage belge, l’autre australien. Bart explique que le belge a une texture plus fondante tandis que l’australien a une texture moins persillée mais un goût plus puissant. Il nous préparera les 2 afin que nous puissions apprécier les saveurs de chaque espèce.
Langoustine, lentement cuite au vandouvan, ratatouille « vue autrement », 2009
Meursault, 2004, Les Tessons, Clos de mon Plaisir, Domaine Roulot
Ce plat sera le numéro 1 du menu pour la plupart d’entre nous. 3 langoustines ne composant qu’une seule pièce, une ratatouille déstructurée, bien épicée, une cuisson millimétrée en font un plat exceptionnel.
Le Meursault de chez Roulot est une première pour tous. Tout comme le décrit Nossiter dans son dernier ouvrage, les vins de ce vigneron diffèrent des classiques de la région. Ce vin est moins boisé, moins gras, plus droit en bouche et avec beaucoup de finesse et minéralité tout en gardant la typicité du Meursault. Belle bouteille qui proposera un bel accord avec le plat.
Turbot, poêlé, radis noir et raifort, jeune chou-fleur, vinaigrette de truffe
Chardonnay, Philippi, 1999, Pfalz
On déroule le menu avec encore un grand plat, d’une incroyable finesse. La vinaigrette de truffe est parfaitement dosée et n’écrase pas les autres produits, notamment le turbot qui se présente parfaitement cuit et en belle association avec le chou-fleur. Grand, très grand plat.
Nous n’avions pas commandé ce Chardonnay, aussi voyant qu’on sera un peu court avant de poursuivre avec La Lune d’Angeli sur le plat suivant, Jon, le discret mais talentueux sommelier, décoche une première flèche et nous sert ce vin à l’aveugle. Un vin au nez perturbant, au goût intéressant, nous aimons tous mais ne le remettons pas sur une carte. Il fallait s’attendre à une bouteille improbable, et ce sera le cas avec ce Chardonnay allemand qui offrira un très bel accord sur le turbot. Entre temps, les bouchons s’accumulent et la série commence à prendre forme…
Jets de houblon, coquille Saint-Jacques poêlée, jets de houblon, racine de persil, risotto de céréales, mousseline d’avoine
Anjou, La Lune, Mark Angeli, 1999
Ce plat sera à l’origine d’un petit débat à notre table : l’élément principal du plat est-il le jet de houblon ou la saint-jacques. Les avis divergent et Bart apportera la réponse : le jet de houblon est mis ici en valeur, la Saint-Jacques n’étant que l’accompagnement. On est ici sur des notes de douceur, tout en onctuosité en bouche. Le risotto est à tomber par terre mais c’est surtout le houblon et la mousseline d’avoine qui transcendent ce plat, d’une justesse phénoménale.
Quant au vin, l’un des mes préférés en Chenin, il est fidèle à mes attentes, même mieux, je m’attendais à ce qu’il soit un peu plus oxydatif, ce qui n’est pas le cas. Le chenin dans toute sa splendeur, intense, gras, légèrement ambré, offrant puissance et ce qu’il faut de fraîcheur pour accompagner le plat.
Wagyu, carpaccio de wagyu-beef, champignons, noix de Grenoble, céléri-rave, quinoa
Chinon, Clos de la Dioterie, 1996, Charles Joguet
Arrivent les stars de la soirée. A nous de deviner qui est qui. Le wagyu belge est en haut, l’australien en bas. Un plat gourmand, généreux, le produit se suffisant à lui-même. Magnifique.
Sur le vin, je me suis encore inspiré de ma lecture du dernier ouvrage de J. Nossiter, qui encense littéralement les vins de ce vigneron, pour choisir ce chinon de chez Joguet, en 1996. Et il faut avouer que ces vins vieillissent plutôt bien ! Superbe flacon qui ravira notre table.
Agneau de lait des Pyrénées « Axuria », cannelloni de légumes feuillus verts aux herbes, crème de fromage de brebis, jus de persil
Chateau de Pibarnon, Bandol, 2000
Cuisson rosée parfaite, le canelloni de légumes fait débat, l’asperge est puissante en goût, ce qui offre un bon complément à l’agneau. L’agneau s’offre sous 3 formes : côtelettes, rognons et foie. Générosité, encore et toujours. Là aussi, le vin fera merveille, le Bandol apportant soleil, rondeur, puissance au plat. Bon moment encore sur ce plat, légèrement en retrait par rapport aux autres pour moi .
A ce stade de la soirée, on est bien, très bien. Quand je pose la question de rajouter un fromage au menu, les réponses ne se font pas attendre et la commande est aussitôt faite. Mais qui dit fromages dit vin pour accompagner et voilà que les envies divergent. Le sommelier constate notre désarroi et nous rassure en annoncant qu’il prend les choses en main.
Fromages : Chanteraine, Petit Fiance des Pyrénées, Comté 2006, Epoisses, Shropshire blue
La prise en main sera des plus efficaces… En 4 aller-retours, ce sont autant de verres différents qui sont rangés devant nous tel un bataillon prêt pour une revue des troupes.
– Domaine Emilian Gillet, Viré-Clessé, Quintaine 2004
– Champagne Bollinger, spécial cuvée
– Domaine Berthet-Bondet, Côtes du Jura, 2003
– Madeira Verdelho, Cossart-Gordon
Je suis aux anges, et ce pour 2 raisons : ce sont principalement des blancs qui nous sont proposés (et je suis un fervent partisan du blanc avec le fromage), puis autre raison de satisfaction : la générosité dans l’effort : on va pouvoir déguster 4 nouveaux vins… 🙂 .
Quelques instants plus tard apparaissent les fromages, eux aussi rigoureusement rangés et associés avec un condiment sucré qui ravira nos papilles.
Un petit mot sur le pain, fait maison. Depuis le début du repas, nous sommes régulièrement approvisionnés en 3 sortes de pain, dont un sans sel qui est marié avec une superbe huile d’olive. Pour les fromages, on complète l’ensemble avec une planche de pains spéciaux pour la dégustation de fromages. Excellent !
Les 4 vins de dessert sont superbes et proposent des accords pertinents avec les fromages. Au delà du classique comté/vin jaune, le bleu et le madère font excellent ménage. Je suis moins convaincu par le champagne, d’avantage par le Viré-Clessé sur l’époisse.
Cocos, retour de Chamonix
Riesling 2006 Kabinett, Weingut Robert Weil
Coteaux du Layon, 2005, Domaine du Pas Saint-Martin
Lorsque pour les desserts, le sommelier apporte non pas un mais 2 verres, on se dit qu’on l’a tellement chauffé sur les fromages qu’on ne l’arrêtera plus. On adore, c’est exactement le genre de repas dont GoT raffole : de la qualité, de la générosité, de la gourmandise, du plaisir. Et les 4 sont définitivement réunis ce soir…
Un dessert au visuel original, aux textures contemporaines, à la dominante de coco. Un dessert intelligent, aux textures légères et techniquement réalisé avec brio.
Les 2 vins de desserts servis font eux aussi leur petit effet avec une mention spéciale pour le coteaux du Layon.
Après cette séquence fromages/desserts un peu folle, notre table compte les verres vides et chacun garde précieusement les verres qu’il lui reste à boire.
Terminé ? Oh que non. C’était sans compter sur le dernier dessert…
Car en effet, notre dernier met prévu au menu n’est pas encore servi qu’un nouveau verre de vin… de quoi en interpeller certains… 🙂
Le Colombare du domaine Pieropan est un vin étonnant, doux, subtile, avec une belle fraîcheur et suffisament de matière pour accompagner le dernier dessert de notre repas :
Pistache, chocolat
Le Colombare 2003, Domaine Pieropan
Voilà un fantastique dessert qui me rappelle visuellement ce qu’a présenté Albert Adria aux Flemish Primitives ou Ferran Adria au OFF de Deauville à savoir les nouvelles créations d’el Bulli appelées Natura.
Un incroyable jeu de textures, de saveurs pistachées, chocolatées, sans lourdeur, tout en finesse et délicatesse. Une merveille de goût, et de visuel.
Mignardises
Non, ce n’est pas encore fini, un après-dessert sur la fraise en différentes textures réjouit nos papilles.
Bart nous rejoint à table et nous demande si nous avons aimé ce repas. On le rassure immédiatement, lui disant non seulement qu’on a aimé mais bien plus que cela : on a adoré…
Bien sur, la vedette de Pastorale, c’est l’assiette. Les produits sont superbes, les cuissons sont justes. Ce qui n’enlève rien à la complexité des plats. Car la complexité est bien présente, même sur des assiettes où elle ne vous explose pas à la figure visuellement. Beaucoup de travail, beaucoup de technicité permettant de délivrer de fabuleux plats. Nous avons aimé ce menu très équilibré, proposant tantôt un côté ludique avec ce cresson et sur le veau, tantôt le produit pour le produit avec le wagyu. Et avec une constance : de grands plats. La langoustine, le turbot, la wagyu, le houblon (pour certains) et le veau seront probablement dans les plats de l’année.
Mais Pastorale, c’est aussi Bart et son épouse. Ils sont l’âme de Pastorale. Le décor contemporain et épuré, l’ambiance détendue, la créativité maîtrisée, le style de service professionnel mais joueur, tout a été conçu et se veut à l’image de la philosophie que Bart veut inculquer à sa cuisine.
Pour certains guerriers, les digestifs font ensuite leur apparition et là encore, certains se verront copieusement servis, notamment notre Laurent L qui aura le plaisir de déguster 3 bas-armagnacs de chez Darroze.
Il est plus de 2 heures du matin, nous n’avons pas vu le temps passé. Nous avons longuement échangé avec Bart, qui nous parle franchement de sa cuisine, de ce qu’il aime, de sa philosphie de travail en cuisine. Ce chef est extrêmement attachant et nous offre son livre « Just cooking », très bel ouvrage qui présente non seulement un ensemble de réalisations culinaires mais aussi ce qu’est Pastorale, toujours ce souci d’aller au delà de l’assiette et d’expliquer différement son restaurant.
Nous sommes sur le départ lorsque l’idée nous vient de visiter les cuisines, Bart accepte bien gentillement. Et d’entrée, on ne peut s’empêcher de remarquer le slogan affiché : One Team, One Philosophy, One target. Rien à ajouter.
Ou plutôt si, rajoutons un mot : Surprise. Un mot qu’apprécie Bart. Et nous aussi. Et ce soir, nous avons aimé avoit été surpris, du début à la fin : un menu « sur mesure », des vins à profusion en dégustation, un livre offert – souvenir d’une belle soirée, la disponibilité de Bart et son épouse, toutes ces surprises ont agrémentées une soirée que nous ne sommes pas près d’oublier.
Une dernière photo pour la route et nous quittons Pastorale, avec nos livres sous les bras et des souvenirs plein la tête.
Merci à Bart et toute l’équipe pour ce beau moment. On était venu pour vivre et découvrir de nouvelles émotions. L’objectif est incontestablement atteint.
GoT
ps) prochains posts : 5 jours au Japon, Chateaubriand, Noma, Geranium, …