Selon que vous optiez pour déjeuner ou dîner, il vous sera possible de reprendre le train de 17h en fin d’après-midi ou séjourner à Bray ou alentours (la région ne manque pas d’hôtels… rien qu’à Bray déjà se situe le célèbre Waterside Inn des frères Roux).
Nous avons choisi l’aller-retour depuis Londres et notre table a donc été réservée pour déjeuner.
Arrivés légèrement en avance, nous en profitons pour visiter le village avec ces ruelles, ces cottages et son église. Absolument charmant.
The Fat Duck, a small cottage in a small village… in the middle of nowhere…
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Midi, nous pénétrons dans le restaurant, accueilli par un personnel parfaitement bilingue.
L’endroit est relativement petit, une dizaine de tables, plafond assez bas, poutres apparentes, murs en crépi blanc, on est effectivement dans un cottage britannique.
Notre table se trouve près d’une des 4 fenêtres donnant sur l’extérieur, nous bénéficions donc d’une belle luminosité. Drappée de blanc, la table est dépourvue de toute vaisselle, simplement une petite décoration florale et un verre que l’on nous remplit promptement d’eau minérale. Epurée, moderne, la table et sa décoration assez minimaliste contraste assez bien avec l’ambiance « auberge » dégagée par la demeure.
On nous présente la carte, nous optons bien évidemment pour le menu Dégustation. Bien évidemment car ce menu comporte la plupart des plats ayant fait la réputation du Fat Duck et sera à coup sur le meilleur moyen pour comprendre et apprécier le talent et la cuisine d’Heston Blumenthal.
Avant d’entamer une description du menu, quelques mots sur le service. Tout simplement adorable, à l’écoute, absolument pas guindé, rôdé comme une machine de compétition, multilingue (ce qui est appréciable quand on n’est pas totalement autonome sur quelques termes culinaires anglais), transmettant avec brio, humour, passion et professionnalisme la cuisine du chef.
La carte des vins est relativement bien fournie, de quoi se faire plaisir, sans se faire trop mal qui plus est. Avec le menu, il est proposé une sélection de vins au verre, en association avec chaque plat. Nous optons finalement pour l’un de nos vins blanc préférés, un Château Simone, Palette, 2001.
A peine l’apéritif servi (une coupe de Champagne dont j’ai malheureusement oublié l’origine, mais probablement du Deutz blanc de blanc), notre serveuse arrive à notre table poussant un chariot duquel s’échappe une fine fumée blanche. Voilà notre première expérience à l’azote liquide. Une « meringue » vodka / thé vert / citron vert nous est proposée afin de préparer (ou réveiller c’est selon) notre palais. La puissance des saveurs dans cette configuration génère une véritable explosion dans le palais, une très longue persistance en bouche en découle… un vrai plaisir…
Nitro-green tea and lime mousse (2001)
Vinrent ensuite d’autres amuse-bouches, certains ludiques, d’autres extrêmement techniques et puissants en goût, ils sont d’une qualité exceptionnelle et valent déjà à eux seuls le détour :
– Bonbons à la betterave et à l’orange
– Gelée d’huîtres et fruit de la passion, lavande
– Gaspacho de chou-rouge et glace à la moutarde
– Gelée de cailles, parfait au foie gras, crème de langoustines
Guess which one is the orange jelly, which one is the betroot jelly …
Oyster and passion fruit jelly, lavender
Pommery grain mustard ice cream, red cabbage gaspacho
Quail jelly, cream of langoustine, parfait of foie gras
Nous enchaînons ensuite une séquence de plats fabuleux, dont certains sont devenus aujourd’hui des incontournables au Fat Duck :
– Porridge aux escargots, jambon Jabugo et fenouil
– Foie gras rôti, gelée d’amande, cerise et camomille
– Sardine en sorbet sur toast, maquerau, radis Daikon : avec le saumon, mon plat préféré, j’en ai encore l’ensemble des saveurs en mémoire… simplement énorme.
– Saumon poché à la réglisse, asperges, pamplemousse
– Pigeonneau d’Anjou poché, les pattes en pastilla, pancetta, pistaches et quatre épices
Snail porridge, Jabugo ham, shaved fennel
Roast foie gras, Almond fluid gel, cherry, and chamomile
Sardine on toast sorbet, Ballotine of mackerel ‘invertebrate’, marinated daikon (my #1…)
Salmon poached with liquorice, Asparagus, pink grapefruit, ‘Manni’ olive oil
Poached breats of Anjour pigeon, Pancetta, Pastilla of its leg, pistachio and quatre epices
Avec le pigeonneau, on nous a servi un Syrah australien : Jim Barry, Mc Rae Wood, Clare Valley, 1998, une très belle découverte que je trouverai sans peine chez Lavinia et qui viendra compléter ma petite cave perso.
Chaque plat est d’une qualité exceptionnelle, la technique de réalisation est impressionnante, la précision des goûts et cuissons l’est autant. Nous sommes littéralement emportés hors du temps … et le Fat Duck a cette capacité de vous y maintenir longtemps, très longtemps. Par l’atmosphère détendue qui y règne, par la douceur de son service, par la qualité de ces plats mais aussi dans leur séquence, bien réfléchie. Le chef étonne, vous fait réfléchir, il joue avec vous, alterne le ludique et le technique avec bonheur tout en mettant en avant le produit. Il n’y a aucune fausse note, aucun temps mort, aucun moment où on se dit que telle ou telle chose aurait pu être faite différemment.
Une petite glace en cornet nous est servie, rendant hommage à sa créatrice Mrs Agnès B Marshall « The Queen of Ice Cream », suivie d’un premier dessert aux accents fruités qui enchante nos papilles : bavarois mangue, lychee, sorbet cassis…
Mrs Marshall’s Margater ice cream cornet
Mango puree, Bavarois of lychee and mango, blackcurrant sorbet
On nous apporte ensuite un petit tube de poudre « bonbon » acidulée, comme nous en avons tous mangé dans notre enfance… des goûts quasi oubliés aujourd’hui. Sur un petit billet fourni avec notre bonbon, le chef nous invite d’ailleurs à nous souvenir de nos goûts d’enfance et à les lui soumettre pour une éventuelle création…
Pine Sherbet Fountain
Smoked bacon and egg ice cream, Pain perdu and tea jelly
Fat Duck cereals, carrot and orange tuile, betroot jelly, chocolates, cold and hot tea…
Au terme de ce repas et des mignardises qui l’achèvent en beauté, il est difficile d’exprimer quelconque émotion tant celle-ci est forte. On est conscient d’avoir vécu un très beau moment, et s’il y a bien une chose de négatif dans cette expérience, c’est devoir remonter dans ce taxi pour quitter Bray et rejoindre Londres. Or vers 16h30, nous revoilà sur les quais à Maidenhead, dans l’attente de notre train pour Londres. Silencieux, l’esprit encore à quelques kilomètres de là, le menu sous le bras, le numérique rempli de photos… et du bonheur plein la tête.
Laurent V.